Autora: Léa Courcier
Ils étaient assis sur le toit, près du vieux saule pleureur, et tout, autour, était silencieux. Ils profitaient de la vue qu’ils avaient sur le lac depuis là-haut. Les reflets de la lune caressant la surface de l’eau, les ombres des feuilles dansant songeusement avec le vent, tout cela leur était peu commun. L’un d’eux fumait une cigarette, respirant doucement le poison puis l’expirait, regardant parfois l’autre. Ils ne parlaient pas. Ils n’avaient pas grand-chose à se dire, en réalité. Être là était déjà beaucoup plus qu’assez. Savoir qu’ils étaient ensemble, en sécurité, et qu’ils n’avaient rien à craindre était assez. Leurs doigts étaient enlacés vigoureusement, comme s’ils scellaient une promesse passée sous silence. Peut-être qu’ils avaient peur que l’autre disparaisse ou s’envole, enlevé par la demoiselle grise, ronde et brillante qui les regardait à cet instant. Ils ne pouvaient pas se permettre de se perdre. Cela leur aurait trop coûté. Ils avaient surmonté tant de changements ensembles, franchi tant de collines et de montagnes pour avoir la simple possibilité de pouvoir se tenir dans les bras, qu’ils n’allaient pas tout laisser s’envoler. Ils se battraient, indifféremment des conséquences, peu leur importait les cicatrices que cela pourrait laisser, les larmes et la sueur qu’ils perdraient. Ils étaient prêts à réparer leurs âmes endommagées avec de l’adhésif de mauvaise qualité à la fin du voyage.
Cependant, ils ne se seraient pas qualifiés d’âmes sœurs. Ils n’aimaient pas ce terme. Le lien qu’ils partageaient était bien plus fort, bien plus profond. Ils n’avaient pas trouvé l’unique amour de leur vie, mais ils avaient trouvé la pièce qui manquait à leur puzzle. Ils faisaient partie de l’âme de l’autre. Ils savaient que c’était dangereux, mais ils s’en riaient. Pourquoi devraient-ils s’en faire ? Ils étaient ensemble. Complets. En paix. Libres. Ils avaient enfin trouvé ce qu’ils avaient passé tant de temps à chercher désespérément.
Le vent se mit à souffler plus fort, et les feuilles du triste saule s’agitèrent contre la surface de l’eau, entraînant le lac dans leur danse. La vue était magnifique. Un moment capturé entre des milliards, mais qui, pour des raisons qui leur échappaient, comptait plus que tous les autres. Peut-être était-ce le premier d’une longue liste. Peut-être était-ce le seul.
Une tête se posa sur une épaule. Depuis combien de temps étaient-ils là ? Combien de temps resteraient-ils ? Et après cela, où iraient-ils ? Tant de questions irrésolues dont ils se moquaient de connaître la réponse. Ils allaient vivre au jour le jour. Apprécier la vie seconde par seconde. Profiter de chaque miette dont ils pouvaient jouir. Ils ne cherchaient pas le bonheur. Ils ne cherchaient plus rien. Ils avaient tout ce qu’ils nécessitaient. Ils se sentaient pleins et vivants, et à ce moment précis, sous les bénédictions de la lune, près du vieux saule au-dessus du lac, c’était tout ce qui comptait.
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